Le poncè du Guérin

un p'tit russë ben joli...

En dessou de chez ma, i passe un p’tit ru ben joli. I prend sa source pu haot dans l’étang du Bois-Guitton coutë d’la ferme où q’mon défunt grand-père té né ya pas lin de 150 ans.

Ca té à c’moment-là un’ ferme qi té  tout’ seu pas lin du bourg mais qi té en haot d’une bute d’où q’on vayait l’cllocher.

Le p’tit rû finassait dans l’bas d’la p’tite coulë, traçait la route qi va à la Pâq’lais. Les gens d c’temps-là passaient le gué du bas du bourg pour s’en aler à la fouère de Bllin . Nout’p’tit rû tournicotait dans les pres pissous pi s’engoulait dans un grand touc en pierre sous un pré pour s’ jeter dans l’Gesvres après le ghë où q’les gens d’Garambeau i allaient à la messe par là. Mes qeniaux en ont-ti pêchë des éqervices ! Des fois, i rev’naient avec un’ seule mais fallait l’ met quand minme !

Il éqetaient la bestiole et d’une seule bouchëe, i dévoraient leur trofë. Qe bonheur. Ca té l’bon temps !

Cotë du rû, y a des pres où q’on métaient nos ouailles et nout’n poney qan qe ca té ben sec !

L’dimanche, on a ti rigolé  avec les vaïzins qan qon fésait du choao ou qon chassait le dahut. Et pi les qenoiaux patouillaient dans l’iao et fésaient des échaossëes ou débâraient l’iao

Ma mère q’abitait dans un’ ferme du bourg alla garder ses vaches dans les les pres pissous coté du rû. A disait qi s’appelait le Keyes. Tout çà j’pense ben parce q’un pensou des Pont et Chaussées ava donnë son nom au rû su l’cadastr. Comme les bonnes gens n’connaissaient point ce monsieur Guérin, y disaient « Qi  est-ce ? » du coup ca li té resté comme nom au p’tit rû dans l’coin.

Ya longtemps, qy a pu d’éqervices… Le p’tit rû a été touqë sur un grand bout pour qe des maisons bâtissent dans les pres du bas. Mais i court teurjou au bas des pres pissous.

Ya qeqes annëes, ya une ZAC pas une ZAD qi s’bâtissit enter  la ferme où q’mon grand-père té né et l’bourg. Pour cheucher les terres qi s’ont bétonné, y s’ont fé des « basins d’ rétention »… pu haots qe le rû ! Du coup, l’pauvre, il a ben d’la peine à n’pas s’metr en colère.

Déjà q’les pensous voulaient fère des maisons dans les pres pissous ! A s’auraient dû y être sur des pilotis !

I a eu chao le p’tit rû !

Maint’nant is sont eu l’idëe d’ rmetr des ouailles alors i s’ont coupë les trembles, les peupeliers et y zont mis tout propre la sente qi mène chez ma. I s’ont même mis un panneau « zone humide réhabilitée » sans « e »… I savent même pu écrire ces pensous-là !

Ah, j’oubeliais : i s’ont appelé la Zac : « la valleuse aux vues souplles ». Ya ka ouir le podcast de Matao Rollo sur la radio Plum FM… I en caose !

Bon, j’en r’viens à mon p’tit rû… V’la ti pas qe les pensous d’ la valleuse i s’ont décidé qe le Guérin té gandilleu  !

I s’ont chanjé l’touq qi traçait sous le p’tit ch’min des pres pissous qi meune à la cascade de la qemune. I s’ont mis de gros touq de 3.50 m de long et de 1.50 m de hao pour qe les tracteurs passent dessus. Cé ben vrai q’cé pu solide !

Et en pu d’ cà les péchous d’la grand ville ont décidë aussi q’le Guérin s’rait une frayère pour les truites !

Mon bonhomme qé des Haotes-Pyrénées en r’vient teurjou pas ! Des truites à coutë d’chez li !

Il aura pu besoin d’fère des kilomètr’ pour attraper ses païssons favoris. Il va même achetë un’ ligne pour les avère comme qi dit à la sortie du pont Guérin !

Va falloir fère attention à c’te hour qan les pôles aront fondu avec  leur rachalement d’temps… Mon p’tit rû d’vienra un’ rivière  ! Déjà qi é au pied d’la valleuse aux vues souplles !

Mon bonhomme va finir sa vie à la montagne d'ici !